Journée mondiale de lutte contre le sida
1er décembre 2023 : Journée mondiale de lutte contre le sida
Voir le document au format pdfRetour au sommaire de la Gazette de l'Infectiologie
Emma, François, Tom... et les autres. Quelques 5 000 personnes découvrent leur séropositivité chaque année en France. La moitié est hétérosexuelle, un quart a plus de 50 ans et un sixième moins de 25 ans. Clichés, prévention, traitements : où en sommes-nous du sida ?
« L'épidémie décline lentement, mais trop lentement. » indique le Pr Pierre Delobel. L'objectif mondial d'en finir avec le sida en 2030 pourrait bien s'éloigner. « Le traitement est la meilleure arme de prévention : une personne séropositive dépistée à temps et traitée efficacement ne transmet plus le virus. » En effet, depuis cet été, l'OMS le confirme : toute personne dont la charge virale est indétectable ne transmet pas le VIH ; ni par voie sexuelle ou sanguine, ni lors de la grossesse ou de l'accouchement.
Côté traitement justement, la tendance à l'allègement se poursuit. Le passage de trithérapie à bithérapie, ou le passage à une trithérapie intermittente – quatre jours sur sept – se déploient. Des traitements par injections à faire toutes les 8 semaines ou tous les 6 mois arrivent aussi sur le marché. « L'idéal est de personnaliser au maximum les traitements, car chaque patient réagit différemment, et on doit prendre en compte l'histoire thérapeutique de chacun ainsi que l'éventualité de mutations de résistance. »
Cette variabilité génétique explique les difficultés à développer un vaccin performant. Plusieurs essais sont en cours, mais d'autres horizons se dessinent : les anticorps monoclonaux neutralisants à large spectre, les thérapies cellulaires utilisant les lymphocytes NK (Natural Killer) ou encore l'immunothérapie, déjà utilisée en oncologie. « Le plus efficace sera probablement une combinaison de plusieurs thérapies pour, d'un côté, diminuer le réservoir viral disséminé dans tous les organes, et de l'autre, booster le système immunitaire. » Au lieu d'éradiquer complètement le virus de l'organisme, l'objectif le plus réaliste semble la guérison fonctionnelle : le virus resterait présent, mais à des doses si faibles qu'un bon système immunitaire le contrôlerait aisément, sans médicament, comme pour la varicelle ou l'herpès.
Côté prévention, les pratiques à risques perdurent, voire s'aggravent, en particulier chez les plus jeunes. Si le préservatif reste le moyen de protection le plus efficace lors d'un rapport sexuel, en 2023, seuls 29 % des 15-24 ans déclarent l'utiliser systématiquement. Ils étaient 48 % en 2020. La mésinformation n'est pas en reste : 18 % pensent que le paracétamol empêche la transmission du VIH. En revanche, « pour les personnes les plus exposées et les mieux informées, la PrEP, prophylaxie préexposition, se révèle d'une formidable efficacité lorsqu'elle est bien utilisée. » Le traitement post-exposition, à prendre dans les 48 heures, a lui aussi fait ses preuves. Enfin, le dépistage précoce – à tout âge – augmente considérablement les chances de survie. Pourtant, les infections dépistées précocement ne dépassent toujours pas les 25 % des cas.
Dans le monde, l'inégalité d'accès à la prévention et au traitement reste le point noir de la lutte contre le sida. Les plus précaires – en particulier les femmes originaires d'Afrique subsaharienne – sont surreprésentés parmi les 39 millions de personnes vivant avec le VIH. Une personne par minute en meurt encore.
Pr Pierre DELOBEL, MD, PhD
Chef du Service des Maladies Infectieuses et Tropicales
Centre Hospitalier Universitaire de Toulouse