Gare aux tiques !
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Maladie de Lyme, la plus fréquente
Premier signe à surveiller dans les 3 à 30 jours après un moment passé dans une zone boisée ou végétalisée : « une lésion sur la peau de forme arrondie, de couleur rose-rouge, ressemblant parfois à un début d'hématome. Cette lésion, qu'on appelle érythème migrant, s'agrandit de jour en jour, mais ne fait pas du tout pas mal ; elle ne gratte pas non plus », indique Alice Raffetin, infectiologue au Centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, dans le Val-de-Marne. L'érythème migrant, qui se forme autour de la piqûre, doit immédiatement faire penser à la maladie – ou borréliose – de Lyme. Infectées lors d'un précédent repas de sang sur un animal porteur d'une bactérie, la Borrelia, les tiques du genre Ixodes ricinus peuvent ensuite la transmettre aux humains.« C'est assez simple à soigner avec dix jours d'antibiotiques, la doxycycline, par voie orale. 100 % de guérison, zéro séquelle », ajoute la Dre Raffetin, qui a participé à la mise à jour des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) concernant les maladies liées aux tiques. Parmi les nouveautés figure désormais la possibilité de prescrire le traitement antibiotique, à base de doxycycline, aux femmes enceintes ou allaitantes et aux enfants de moins de 8 ans. En effet, mieux vaut éviter les complications : sur 40 000 cas de maladie de Lyme détectés par an en France, environ 700 nécessitent une hospitalisation.
Si l'érythème migrant passe inaperçu, la maladie guérit spontanément pour l'immense majorité des personnes infectées. Cependant, 10 % développent une forme plus grave, avec des atteintes neurologiques (paralysie hémifaciale, sciatiques douloureuses la nuit), articulaires, cardiaques ou ophtalmologiques. Des symptômes non spécifiques (fatigue, douleurs diffuses, etc.) accompagnent souvent les signes physiques de la maladie de Lyme. Ils apparaissant parfois des mois après la piqûre, entraînent souvent une errance médicale. En cas de doute sur le diagnostic, le médecin ou les patients peuvent se tourner vers un Centre de référence régional des maladies vectorielles à tiques (CRMVT). Une fois diagnostiquée, ces formes se soignent par antibiotiques : « 10 à 28 jours de doxycycline par voie orale ou de ceftriaxone en intraveineuse, selon les atteintes », précise Alice Raffetin, qui coordonne le CRMVT des régions Île-de-France et Hauts-de-France. Or, chez 10 à 20 % des patients traités subsistent, pendant plus de six mois, des symptômes invalidants au quotidien, comme une fatigue extrême, un « brouillard mental » ou des douleurs musculosquelettiques. « Imaginez une maison en flamme. Avec les antibiotiques, on arrive à éteindre le feu. Mais ensuite, même si la bactérie n'est plus là, la maison est en ruine. Il faut la reconstruire, brique par brique. Certains vont le faire en 15 jours, d'autres en 2 ans ; c'est très variable », explique l'infectiologue. La reconnaissance de ce syndrome post-borréliose de Lyme traitée (PTLDS) fait aussi partie des dernières recommandations de la HAS.
L'encéphalite à tiques : rare, mais dangereuse
La maladie de Lyme n'est pas la seule maladie transmissible par les tiques Ixodes ricinus. L'encéphalite à tiques est rare – seuls une trentaine de cas ont été diagnostiqués par an en France entre 2021 et 2023 –, mais particulièrement dangereuse. Cette maladie est due à un virus du genre Flavivirus, et transmise par piqure de tique ou plus rarement en mangeant des produits laitiers au lait cru. Après une incubation d'une à deux semaines, des symptômes grippaux apparaissent (fièvre, maux de tête, douleurs articulaires), puis disparaissent au bout de quelques jours. Pour 20 à 30 % des personnes infectées, le virus atteint dans un second temps le cerveau, où il provoque une inflammation appelée encéphalite. Prostration ou agitation, somnolence ou troubles du comportement, hallucinations, convulsions, perte d'équilibre... l'hospitalisation est nécessaire. Aucun traitement antiviral n'existe en cas d'infection par ce virus ; le traitement repose sur la prise en charge des symptômes, parfois très lourds. « 35 % des patients quittent l'hôpital avec des séquelles : soit neurologiques, comme la paralysie d'un membre ou une perte d'audition ; soit cognitives, avec par exemple des troubles de la compréhension et de la concentration ; soit psychologiques, avec un changement de comportement rendant difficile le retour au foyer. C'est très handicapant pour la reprise d'une vie normale, familiale et professionnelle », précise Alexandra Mailles, épidémiologiste à la Direction des maladies infectieuses de Santé publique France.L'encéphalite à tiques est sous surveillance, car en raison du réchauffement climatique sa zone géographique s'étend : « Aujourd'hui le virus circule, d'une part, en Alsace et en Bourgogne-Franche Comté avec une progression vers l'ouest et, d'autre part, dans une grande partie d'Auvergne-Rhône-Alpes avec une extension vers le sud, précise cette spécialiste des encéphalites à tiques. On s'attend à ce que le nombre de cas augmente. » D'autant que la saison des tiques s'allonge aussi : de mars à décembre, avec un pic en juillet.
La meilleure solution : éviter les piqûres
Outre la maladie de Lyme et l'encéphalite à tiques, ces dernières portent d'autres bactéries, virus et parasites. Plus on s'expose aux tiques, plus on court le risque d'être infecté par un des pathogènes cités. Le meilleur moyen de s'en prémunir reste donc d'éviter les piqûres. La première mesure de prévention est à mettre en place avant de sortir, en se couvrant les jambes d'un pantalon, les pieds de chaussettes et de chaussures, et enfin en portant des guêtres ou en rentrant le bas du pantalon dans les chaussettes. « Ensuite, on recommande de rester sur les chemins de terre ou avec cailloux, car les tiques se trouvent plutôt sur le tapis végétal », précise Yves Hansmann, infectiologue et chef du service de Maladies infectieuses et tropicales aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg. Autre mesure, et probablement la plus importante : au retour, s'inspecter entièrement le corps et la tête, ainsi que ceux de ses enfants, sous la douche par exemple. En effet, minuscule et indolore, la tique sait se faire discrète. Elle aime se nicher dans les plis : des genoux, de l'aine, des coudes, des aisselles, du cou et derrière les oreilles. « Le risque de transmission de maladies est quasi nul dans les 12 premières heures, mais augmente après 24 heures, donc mieux vaut les retirer dès que possible à l'aide d'un tire-tique ou d'une pince très fine, en évitant de les écraser », ajoute le Pr Hansmann, qui a aussi contribué aux nouvelles recommandations de l'HAS. Pour retirer une tique, il est important de faire un geste de rotation, comme on le fait pour dévisser, avec le tire-tique ou la pince.Concernant les vaccins, il en existe deux efficaces pour l'encéphalite à tiques. « La vaccination est uniquement recommandée pour les voyageurs qui se rendent entre mars et octobre dans les zones rurales ou forestières d'Europe centrale et de l'est. Cependant en France, les travailleurs forestiers peuvent aussi la demander », précise l'infectiologue. Quant à la maladie de Lyme, des vaccins sont à l'étude, mais aucun n'est encore commercialisé.
Si plus de 95 % des piqûres de tiques ne donneront pas de maladie, la vigilance reste de mise. Éviter d'en attraper et les retirer systématiquement dans les 12 h restent les meilleurs moyens de s'en prémunir.
Un grand merci à la docteure Alice RAFFETIN, au professeur Yves HANSMANN, ainsi qu'à Alexandra MAILLES pour leurs témoignages.
Ce reportage vous a été proposé par la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF).
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