Maladie de Lyme : vers une meilleure prise en soins !
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En 2019, cinq centres de référence pour la maladie de Lyme ont été nommés avec comme missions d'améliorer et d'homogénéiser la prise en soins des malades sur le territoire, tout en informant mieux le grand public sur cette pathologie complexe.
En 2019, cinq centres de référence pour la maladie de Lyme ont été nommés avec comme missions d'améliorer et d'homogénéiser la prise en soins des malades sur le territoire, tout en informant mieux le grand public sur cette pathologie complexe.
C'est la plus fréquente des maladies transmises par les tiques, et de loin : environ 50 000 cas chaque année en France, entraînant 800 hospi- talisations. La borréliose de Lyme, plus souvent appelée maladie de Lyme, revient fréquemment aux oreilles du grand public, malheureusement souvent avec son lot de contre-vérités. Selon une étude menée en 2016, 65 % des français interrogés en avaient déjà entendu parler, mais 95 % d'entre eux jugeaient cette maladie comme ‘grave' ou ‘très grave'. Dans les faits, celle-ci se traite de manière efficace avec un simple antibio- tique dans la grande majorité des cas, sans laisser de séquelle. « Lorsqu'on tape « Lyme » sur un moteur de recherche, il y a plus de chances de tomber sur des informations fausses que sur des faits scientifiques », observe l'infectiologue Alice Raffetin. Ce manque de données fiables à destination du grand public, mais aussi les disparités dans la prise en soins à l'échelle nationale, ont motivé la création en 2019 de cinq Centres de Référence des Maladies Vectorielles liées aux Tiques (CRMVT), secondés par une soixan- taine de Centres de Compétences (CCMVT) quadril- lant le territoire métropolitain. « Il y a tout d'abord eu en 2016 un plan national de lutte contre la maladie de Lyme, reprend Alice Raffetin qui coordonne aujourd'hui le CRMVT des régions Ile-de-France et Hauts-de-France. Suite à ce plan, la Haute Autorité de Santé a été saisie et a considéré qu'au vu de la complexité de la maladie, qui touche principalement la peau et le système nerveux en Europe, il fallait mettre en place des structures pluridisciplinaires. » La création de ces cinq CRMVT, opérationnels depuis 2020, a permis d'homogénéiser la prise en charge sur le territoire, comme l'explique le professeur Yves Hansmann qui coordonne le CRMVT des régions Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté. « Il y a toujours eu dans chaque région des spécialistes de la maladie, mais chacun travaillait un peu dans son coin, on ne se sentait pas intégrés comme aujourd'hui dans une équipe au niveau national. Et surtout, il n'y avait pas de structures reconnues, avec un financement dédié et les moyens de mieux travailler sur cette maladie et sur sa prévention. »
Les cinq CRMVT, bénéficiant chacun d'une dotation de 300 000 euros par an, ont developpé une prise en charge standardisée à l'échelle nationale, fonctionnant sur trois niveaux. Le premier niveau, le plus large, s'appuie sur les médecins généralistes pour les formes classiques de la maladie. « Dans la grande majorité des cas, la borréliose de Lyme se traduit par ce qu'on appelle un érythème migrant : une plaque rouge non douloureuse qui apparaît quelques jours à quelques semaines après la piqûre de tique et qui s'étend progressivement. Comme il n'y a pas de démangeaison associée, certains patients ne s'en rendent même pas compte, décrit le professeur Pierre Tattevin, du CRMVT du Grand Ouest (Bretagne, Normandie, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire et une partie de la Nouvelle Aquitaine). Il n'existe aucune autre maladie provoquant cet érythème migrant, le diagnostic est donc facile : le médecin n'a pas d'examens à demander, juste à prescrire un antibiotique qui éliminera la bactérie responsable de la maladie. »
Cet érythème migrant apparaît dans 60 à 90 % des cas environ, mais des formes moins caractéristiques peuvent aussi se déclarer. « Plus rarement, la bactérie réussit à disséminer précocement dans l'organisme et d'autres lésions apparaissent alors sur la peau, reprend l'infectiologue rennais. Si la maladie n'est pas traitée, d'autres symptômes plus invalidants peuvent survenir: douleurs articulaires, paralysie faciale, troubles cardiaques… » Pour ces cas plus complexes, le médecin généraliste oriente les patients vers le CCMVT le plus proche, qui constitue le second niveau de la prise en charge. Le CRMVT, qui fait le lien entre les différents CCMVT de la région, forme le dernier niveau en prenant en charge les cas les plus difficiles. « Ces centres accueillent des profils de patients très différents : certains présentent des atteintes neurologiques complexes, d'autres sont en errance médicale avec des signes faisant penser – parfois à tort – à une maladie de Lyme, ou ont déjà été traités mais souffrent de symptômes persistants » détaille Alice Raffetin. Avec une équipe d'une douzaine de spécialistes – infectiologues bien sûr, mais aussi neurologue, rhumatologue et même psychologue – le Centre de Référence Ile-de-France et Hauts-de-France qu'elle coordonne accueille ainsi chaque année environ 600 patients.
Cette prise en soins de cas difficiles ne constitue que l'une des missions des CRMVT. Ces derniers visent aussi à mieux informer les professionnels de santé et le grand public sur cette pathologie et sa prévention. Le 25 mai 2023, les cinq CRMVT ouvriront leurs portes pour une journée nationale de sensibilisation à la borréliose de Lyme. « Nous avons également créé un site internet, crmvt.fr, qui fournit une information fiable et actualisée, ajoute Yves Hansmann. Aujourd'hui, les patients se renseignent de plus en plus sur internet, il était important d'avoir un site reconnu par les autorités sanitaires et les sociétés savantes. » Côté médical, outre des journées d'échanges régulières ouvertes à tout professionnel de santé intéressé, un diplôme universitaire national autour des maladies liées aux tiques a été créé pour améliorer les connaissances des professionnels de santé sur cette maladie parfois difficile à cerner.
Enfin, les CRMVT ont également vocation à mener des travaux de recherche. « L'objectif est de faire progresser les connaissances sur toutes les pathologies transmises par les tiques, reprend l'infectiologue. À Strasbourg, nous travaillons avec le centre national de référence des Borrelia sur de nouveaux moyens d'identification de la bactérie responsable de la borréliose, qui reste aujourd'hui complexe, afin de pouvoir développer de nouveaux outils diagnostiques. »
Trois ans après leur création, quel premier bilan tirer de ces CRMVT et CCMVT disséminés à travers la France ? La recherche scientifique ne pouvant travailler que sur un temps long, les premiers résultats concrets nécessitent encore quelques mois, voire années, pour voir le jour. Côté prise en soins, le système a déjà prouvé son intérêt.
« Avant, toutes les formes un peu atypiques finissaient à l'hôpital. Désormais, les médecins connaissent mieux ce qu'ils ont à faire, ou qui appeler en cas de besoin. Ils peuvent adresser rapidement leurs patients à un CCMVT, ou CRMVT, résume Alice Raffetin. Côté patients, nous avons mené une vaste enquête depuis trois ans auprès des personnes prises en soins dans notre centre. Il en ressort plusieurs pistes d'amélioration, notamment autour de la communication auprès du grand public : nos patients auraient aimé connaître notre existence plus tôt, et être mieux renseignés sur les gestes à faire pour limiter les risques d'infection ».
Les gestes simples de prévention
Éviter les herbes hautes, inspecter soigneusement sa peau après toute sortie en forêt, retirer les tiques au plus vite… semblent en effet aujourd'hui encore peu suivis. Selon la dernière enquête en date, les principales mesures de prévention (ports de vêtements couvrants pour les promenades dans la nature, inspection au retour), restent méconnues de la majorité des Français. Si du chemin a été parcouru ces dernières années avec la création des CRMVT, la lutte contre la borréliose de Lyme s'annonce donc encore longue.
Ce reportage vous a été proposé par la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF).
Retrouvez plus d'articles sur le site ,www.infectiologie.com/fr/, onglet « Pour le grand public ».
Un grand merci aux Infectiologues Alice RAFFETIN,
Yves HANSMANN et Pierre TATTEVIN pour leurs témoignages.