Gazette de l'Infectiologie: Toxi-infections alimentaires : JO 2024 : quels risques sanitaires ?
Lundi 08 Juillet 2024
JO 2024 : quels risques sanitaires ?
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Du 26 juillet au 8 septembre 2024, la France accueillera les Jeux Olympiques (JO) et Paralympiques (JP). Un évènement mondial suivi de près d'un point de vue sanitaire et épidémique.
Quatre mois avant les Jeux de Paris 2024, la Direction Générale de la Santé indiquait à la presse avoir identifié « une quarantaine de risques et menaces, dont une partie relève du risque infectieux ». En juin, le magazine scientifique Infectious Diseases Now de la SPILF proposait justement un numéro spécial consacré aux risques sanitaires spécifiques à ces grands événements sportifs. « Ce ne sont pas les mêmes problématiques que pour d'autres grands rassemblements, religieux ou culturels par exemple : les gens qui s'y rendent sont plutôt en bonne santé et ne restent que quelques jours à quelques semaines sur place, donc souvent moins longtemps que la période d'incubation d'éventuelles maladies infectieuses », explique Arnaud Tarantola, responsable de la cellule régionale de Santé Publique France pour l'Île-de-France.
Ce dernier a dirigé, au sein du numéro spécial JO de la revue Infectious Diseases Now, un article scientifique traitant de problèmes infectieux en lien avec des grands rassemblements sportifs en période estivale. « Notre équipe a passé en revue 475 publications parues entre 1994 et 2024, pour au final en sélectionner 54 qui ciblaient des problèmes infectieux ayant pris place pendant un grand évènement sportif estival, JO, JP ou coupe du monde de football. » Ici, quelques cas de gastroentérites lors de l'EURO 2012 en Pologne, là trois cas de dengue au Brésil lors de la coupe du monde deux ans plus tard... Au final, et malgré le fait que tous les cas ne sont pas détectés, les conclusions de cette vaste revue de la littérature scientifique s'avèrent rassurantes. « On observe parfois des cas sporadiques parmi les spectateurs, mais il n'y a pour le moment jamais eu d'épidémies provoqué par de grands rassemblements sportifs estivaux, assure le Dr Arnaud Tarantola. Nous sommes relativement rassurés concernant un sur-risque infectieux majeur impactant la santé publique cet été, en lien avec ces Jeux. »
Intoxications alimentaires, dengue et IST
Les craintes des autorités sanitaires portent davantage sur des cas collectifs plus localisés, comme une intoxication alimentaire collective en marge des rassemblements par exemple. Une légère augmentation des infections sexuellement transmissibles (IST) est aussi à craindre, avec 15 millions de visiteurs attendus dans la capitale cet été dans un contexte festif. Durant les JO d'été de Sydney, en 2000, une étude australienne avait ainsi relevé une hausse de 29 % des patients testés positifs à une IST ou déclarant des symptômes. « Il y a également deux risques épidémiques qui pourraient nous inquiéter : la rougeole, avec de nombreux cas observés actuellement, et la dengue, avec l'apparition récente de cas autochtones en Île-de-France », poursuit le spécialiste de Santé Publique France.
« Concernant la dengue, les sur-risques d'importation liés aux JO et JP restent marginaux, car 85 % des spectateurs viendront d'Europe et non de pays où le virus circule à haut-niveau. Par contre, le moustique-tigre qui véhicule le virus est aujourd'hui présent dans tous les départements d'Île-de-France. » En réalité, Arnaud Tarantola ne craint tant pas une épidémie de dengue à grande échelle pendant les jeux, mais plutôt les conséquences médiatiques de cas isolés. « Les yeux du monde seront braqués sur la France, résume-t-il. Une grande partie de notre travail consistera à avoir un discours clair pour le grand public et lutter un maximum contre la désinformation. » Sur le front purement médical en tout cas, l'AP-HP prévoit cet été 4 blocs opératoires et 360 lits supplémentaires, sans compter 700 soignants en disponibilité et 500 pompiers en renfort à Paris.
Sports en eaux vives : le défi de la Seine
En plus des risques infectieux liés à la présence de millions de touristes dans la capitale, les 15 000 athlètes olympiques et paralympiques aussi devront peut-être faire face à des risques sanitaires liés spécifiquement à leur pratique sportive. Les épreuves de natation qui prendront place dans la Seine, interdite de baignade depuis plus d'un siècle, sont celles qui ont fait couler le plus d'encre. En août 2023, les épreuves tests de triathlon et de marathon dans le fleuve ont tourné au fiasco : de fortes intempéries et des problèmes techniques ont conduit à l'annulation de la quasi-totalité des épreuves, à cause de la présence en trop grand nombre de bactéries fécales. Si les autorités soutiennent que les épreuves Olympiques pourront bien avoir lieu dans la Seine, grâce à un « plan baignade » chiffré à 1,4 milliard d'euros, les incertitudes restent grandes. C'est ainsi que depuis des mois, l'ONG Surfrider Foundation réalise des tests réguliers de la qualité de l'eau, avec des résultats majoritairement peu satisfaisants. « Il apparait donc clairement que les athlètes qui se lanceront dans les épreuves olympiques et paralympiques prévues dans la Seine vont nager dans une eau polluée et prendre des risques importants pour leur santé, » déclarait ainsi l'ONG en avril dernier.
S'il parait aujourd'hui périlleux de prédire la faisabilité et les conséquences des épreuves dans la Seine cet été, il est possible de cibler plus globalement les risques qu'encourent les sportifs en eaux vives. « Par rapport aux piscines, dont les eaux sont traitées et surveillées, les plans d'eau, rivières et fleuves sont soumis à de nombreux facteurs environnementaux, comme la présence de faune sauvage et domestiques à proximité qui peuvent véhiculer des agents infectieux », explique Alexandra Septfons. Cette épidémiologiste à Santé publique France a participé à l'une des études publiées dans le numéro spécial JO du magazine scientifique Infectious Diseases Now. Les auteurs ont passé en revue une cinquantaine de publications scientifiques, sélectionnées parmi un millier d'articles traitant de cas d'infections après une activité sportive en eaux vives. De quoi identifier les activités les plus concernées (natation, kayak, rafting...) mais aussi la maladie infectieuse la plus problématique : la leptospirose.
Transmise notamment par l'urine de rongeurs, cette maladie peut avoir des conséquences graves en l'absence de traitement. Les exemples de contamination en eaux vives ne manquent malheureusement pas : en 2016, 14 kayakistes avaient contracté la leptospirose lors d'une sortie en Bretagne. Deux ans plus tard, un triathlète girondin décédait de la maladie. « Il n'existe pas de méthode efficace pour détecter la bactérie dans l'eau, et donc aucun test ni norme qui permettrait de confirmer que l'eau n'est pas contaminée, constate Alexandra Septfons. La priorité aujourd'hui reste d'informer les pratiquants sur les risques encourus ainsi que sur les gestes de prévention à adopter, comme protéger ses blessures avec des pansements imperméables ».
Sports de contact et infections
Outre les sports en eaux vives, d'autres disciplines plus surprenantes peuvent constituer un facteur de risque d'infections. Les sports de contact par exemple (lutte, boxe, judo, mais aussi rugby ou handball) peuvent faciliter la transmission de Staphylococcus aureus, le staphylocoque doré. « C'est la bactérie la plus fréquemment responsable d'infections cutanées, rappelle le docteur Anne Tristan, directrice du Centre National de Référence des staphylocoques. 20 à 30 % de la population est porteuse de cette bactérie au niveau du nez, sans que cela ne provoque une infection. Cette bactérie peut se transmettre en cas de contact entre athlètes, et devenir pathogène s'il y a des blessures ou des abrasions de la peau non protégées. »
En 2017, une équipe française a testé la présence de S. aureus chez quelque 300 athlètes officiant principalement dans des sports de contact. Résultat : un taux de contamination près de trois fois plus élevé que dans la population générale. « La bactérie peut également rester très longtemps sur des surfaces ou des objets partagés entre sportifs : jusqu'à 72 heures sur un ballon de volley ! Elle survit également très bien sur les pelouses synthétiques, à l'origine de plusieurs contaminations dans des sports collectifs », détaille Anne Tristan. Une étude américaine avait même détecté la présence de S. aureus sur 38 % des équipements de salles de sports et de fitness.
Des gestes simples permettent de limiter les risques d'infections : se laver les mains avant et après la séance, ne pas partager les équipements (protège tibias, casques, etc.), mettre des pansements... Mais la spécialiste insiste également sur une chose : ce risque ne doit pas décourager pour autant les gens à pratiquer un sport ! Qu'il s'agisse de sports collectifs, de contact ou en eaux vives, les bienfaits d'une pratique sportive régulière – pour la santé mentale, cardiovasculaire, la prévention du diabète et de l'obésité... – sont bien plus nombreux que les risques potentiels, inhérents à toute activité.
Un grand merci aux docteurs Anne TRISTAN, Alexandra SEPTFONS et Arnaud TARANTOLA pour leurs témoignages.
Ce reportage vous a été proposé par la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF). Retrouvez plus d'articles sur le site /fr/, onglet « Pour le grand public ».
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Du 26 juillet au 8 septembre 2024, la France accueillera les Jeux Olympiques (JO) et Paralympiques (JP). Un évènement mondial suivi de près d'un point de vue sanitaire et épidémique.
Quatre mois avant les Jeux de Paris 2024, la Direction Générale de la Santé indiquait à la presse avoir identifié « une quarantaine de risques et menaces, dont une partie relève du risque infectieux ». En juin, le magazine scientifique Infectious Diseases Now de la SPILF proposait justement un numéro spécial consacré aux risques sanitaires spécifiques à ces grands événements sportifs. « Ce ne sont pas les mêmes problématiques que pour d'autres grands rassemblements, religieux ou culturels par exemple : les gens qui s'y rendent sont plutôt en bonne santé et ne restent que quelques jours à quelques semaines sur place, donc souvent moins longtemps que la période d'incubation d'éventuelles maladies infectieuses », explique Arnaud Tarantola, responsable de la cellule régionale de Santé Publique France pour l'Île-de-France.
Ce dernier a dirigé, au sein du numéro spécial JO de la revue Infectious Diseases Now, un article scientifique traitant de problèmes infectieux en lien avec des grands rassemblements sportifs en période estivale. « Notre équipe a passé en revue 475 publications parues entre 1994 et 2024, pour au final en sélectionner 54 qui ciblaient des problèmes infectieux ayant pris place pendant un grand évènement sportif estival, JO, JP ou coupe du monde de football. » Ici, quelques cas de gastroentérites lors de l'EURO 2012 en Pologne, là trois cas de dengue au Brésil lors de la coupe du monde deux ans plus tard... Au final, et malgré le fait que tous les cas ne sont pas détectés, les conclusions de cette vaste revue de la littérature scientifique s'avèrent rassurantes. « On observe parfois des cas sporadiques parmi les spectateurs, mais il n'y a pour le moment jamais eu d'épidémies provoqué par de grands rassemblements sportifs estivaux, assure le Dr Arnaud Tarantola. Nous sommes relativement rassurés concernant un sur-risque infectieux majeur impactant la santé publique cet été, en lien avec ces Jeux. »
Intoxications alimentaires, dengue et IST
Les craintes des autorités sanitaires portent davantage sur des cas collectifs plus localisés, comme une intoxication alimentaire collective en marge des rassemblements par exemple. Une légère augmentation des infections sexuellement transmissibles (IST) est aussi à craindre, avec 15 millions de visiteurs attendus dans la capitale cet été dans un contexte festif. Durant les JO d'été de Sydney, en 2000, une étude australienne avait ainsi relevé une hausse de 29 % des patients testés positifs à une IST ou déclarant des symptômes. « Il y a également deux risques épidémiques qui pourraient nous inquiéter : la rougeole, avec de nombreux cas observés actuellement, et la dengue, avec l'apparition récente de cas autochtones en Île-de-France », poursuit le spécialiste de Santé Publique France.
« Concernant la dengue, les sur-risques d'importation liés aux JO et JP restent marginaux, car 85 % des spectateurs viendront d'Europe et non de pays où le virus circule à haut-niveau. Par contre, le moustique-tigre qui véhicule le virus est aujourd'hui présent dans tous les départements d'Île-de-France. » En réalité, Arnaud Tarantola ne craint tant pas une épidémie de dengue à grande échelle pendant les jeux, mais plutôt les conséquences médiatiques de cas isolés. « Les yeux du monde seront braqués sur la France, résume-t-il. Une grande partie de notre travail consistera à avoir un discours clair pour le grand public et lutter un maximum contre la désinformation. » Sur le front purement médical en tout cas, l'AP-HP prévoit cet été 4 blocs opératoires et 360 lits supplémentaires, sans compter 700 soignants en disponibilité et 500 pompiers en renfort à Paris.
Sports en eaux vives : le défi de la Seine
En plus des risques infectieux liés à la présence de millions de touristes dans la capitale, les 15 000 athlètes olympiques et paralympiques aussi devront peut-être faire face à des risques sanitaires liés spécifiquement à leur pratique sportive. Les épreuves de natation qui prendront place dans la Seine, interdite de baignade depuis plus d'un siècle, sont celles qui ont fait couler le plus d'encre. En août 2023, les épreuves tests de triathlon et de marathon dans le fleuve ont tourné au fiasco : de fortes intempéries et des problèmes techniques ont conduit à l'annulation de la quasi-totalité des épreuves, à cause de la présence en trop grand nombre de bactéries fécales. Si les autorités soutiennent que les épreuves Olympiques pourront bien avoir lieu dans la Seine, grâce à un « plan baignade » chiffré à 1,4 milliard d'euros, les incertitudes restent grandes. C'est ainsi que depuis des mois, l'ONG Surfrider Foundation réalise des tests réguliers de la qualité de l'eau, avec des résultats majoritairement peu satisfaisants. « Il apparait donc clairement que les athlètes qui se lanceront dans les épreuves olympiques et paralympiques prévues dans la Seine vont nager dans une eau polluée et prendre des risques importants pour leur santé, » déclarait ainsi l'ONG en avril dernier.
S'il parait aujourd'hui périlleux de prédire la faisabilité et les conséquences des épreuves dans la Seine cet été, il est possible de cibler plus globalement les risques qu'encourent les sportifs en eaux vives. « Par rapport aux piscines, dont les eaux sont traitées et surveillées, les plans d'eau, rivières et fleuves sont soumis à de nombreux facteurs environnementaux, comme la présence de faune sauvage et domestiques à proximité qui peuvent véhiculer des agents infectieux », explique Alexandra Septfons. Cette épidémiologiste à Santé publique France a participé à l'une des études publiées dans le numéro spécial JO du magazine scientifique Infectious Diseases Now. Les auteurs ont passé en revue une cinquantaine de publications scientifiques, sélectionnées parmi un millier d'articles traitant de cas d'infections après une activité sportive en eaux vives. De quoi identifier les activités les plus concernées (natation, kayak, rafting...) mais aussi la maladie infectieuse la plus problématique : la leptospirose.
Transmise notamment par l'urine de rongeurs, cette maladie peut avoir des conséquences graves en l'absence de traitement. Les exemples de contamination en eaux vives ne manquent malheureusement pas : en 2016, 14 kayakistes avaient contracté la leptospirose lors d'une sortie en Bretagne. Deux ans plus tard, un triathlète girondin décédait de la maladie. « Il n'existe pas de méthode efficace pour détecter la bactérie dans l'eau, et donc aucun test ni norme qui permettrait de confirmer que l'eau n'est pas contaminée, constate Alexandra Septfons. La priorité aujourd'hui reste d'informer les pratiquants sur les risques encourus ainsi que sur les gestes de prévention à adopter, comme protéger ses blessures avec des pansements imperméables ».
Sports de contact et infections
Outre les sports en eaux vives, d'autres disciplines plus surprenantes peuvent constituer un facteur de risque d'infections. Les sports de contact par exemple (lutte, boxe, judo, mais aussi rugby ou handball) peuvent faciliter la transmission de Staphylococcus aureus, le staphylocoque doré. « C'est la bactérie la plus fréquemment responsable d'infections cutanées, rappelle le docteur Anne Tristan, directrice du Centre National de Référence des staphylocoques. 20 à 30 % de la population est porteuse de cette bactérie au niveau du nez, sans que cela ne provoque une infection. Cette bactérie peut se transmettre en cas de contact entre athlètes, et devenir pathogène s'il y a des blessures ou des abrasions de la peau non protégées. »
En 2017, une équipe française a testé la présence de S. aureus chez quelque 300 athlètes officiant principalement dans des sports de contact. Résultat : un taux de contamination près de trois fois plus élevé que dans la population générale. « La bactérie peut également rester très longtemps sur des surfaces ou des objets partagés entre sportifs : jusqu'à 72 heures sur un ballon de volley ! Elle survit également très bien sur les pelouses synthétiques, à l'origine de plusieurs contaminations dans des sports collectifs », détaille Anne Tristan. Une étude américaine avait même détecté la présence de S. aureus sur 38 % des équipements de salles de sports et de fitness.
Des gestes simples permettent de limiter les risques d'infections : se laver les mains avant et après la séance, ne pas partager les équipements (protège tibias, casques, etc.), mettre des pansements... Mais la spécialiste insiste également sur une chose : ce risque ne doit pas décourager pour autant les gens à pratiquer un sport ! Qu'il s'agisse de sports collectifs, de contact ou en eaux vives, les bienfaits d'une pratique sportive régulière – pour la santé mentale, cardiovasculaire, la prévention du diabète et de l'obésité... – sont bien plus nombreux que les risques potentiels, inhérents à toute activité.
Un grand merci aux docteurs Anne TRISTAN, Alexandra SEPTFONS et Arnaud TARANTOLA pour leurs témoignages.
Ce reportage vous a été proposé par la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF). Retrouvez plus d'articles sur le site /fr/, onglet « Pour le grand public ».