Gazette de l'infectiologie: Quels risques infectieux à la plage ?
Vendredi 07 Juillet 2023
Quels risques infectieux à la plage ?
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Enfin l'été ! À vous les vacances au soleil, les baignades en mer et les châteaux de sable ! Si les infectiologues ne s'en inquiètent pas outre mesure, ils ont quelques conseils à donner pour éviter que des pathogènes viennent gâcher cette douce parenthèse.
Bien que des millions de gens passent leur été en bord de mer, rares sont ceux qui finissent aux urgences à cause d'une infection. Cet article n'a donc pas vocation à effrayer, mais à attirer votre attention sur quelques mesures de précaution, simples à appliquer, surtout si vous êtes en faiblesse immunitaire ou accompagné de jeunes enfants.
Respecter les interdictions de baignades
La fermeture temporaire, ces dernières semaines, de quelques plages bretonnes, méditerranéennes ou basques le rappelle : près des côtes, il arrive que la mer soit contaminée par des bactéries d'origine fécale (Escherichia coli, entérocoques, etc.), surtout après de fortes intempéries. Néanmoins, leurs concentrations restent inférieures aux seuils à risque sur 97,6 % des plages de l'Union européenne (96,9 % en France). Il y a donc peu de risque d'attraper une infection gastro-intestinale en nageant, à moins de braver un arrêté local d'interdiction de baignade. Une conjonctivite ou une otite est toujours possible, mais il n'y a généralement pas de quoi s'inquiéter. Méfiez-vous en revanche des petites blessures, après une glissade sur un rocher par exemple. Dès qu'on se coupe, il faut désinfecter. Un rinçage à l'eau de mer ne suffit pas. Des bactéries pathogènes peuvent aussi profiter d'une irritation de la peau, comme les dermatoses causées par les combinaisons de surf ou de plongée, pour surinfecter les zones de grattage.
La plage n'est pas exempte de microbes non plus. Les enfants qui creusent le sable peuvent développer un impétigo, une pathologie bactérienne bénigne mais douloureuse et contagieuse, qui se manifeste par l'apparition de vésicules ou de croûtes jaunâtres. Les enfants sont aussi plus à risque d'ingérer un parasite intestinal ; des vers véhiculés par les excréments d'animaux (de chiens notamment) peuvent en effet se trouver dans le sable, donc sous les ongles. Citons par exemple les ascaris, responsables d'infections viscérales ou oculaires, le plus souvent bénignes, parfois sévères. Certains vers peuvent par ailleurs pénétrer sous la peau et provoquer des manifestations cutanées (toxocarose), avec parfois des atteintes des nerfs ou des yeux. C'est pourquoi, de la même façon que, le reste de l'année, on se lave les mains en rentrant du parc, il faut le faire après la plage. Le port d'un maillot de bain et l'utilisation d'une serviette pour s'allonger sont également conseillés pour éviter que des larves – celles de l'ascaris ou encore de l'ankylostome – ne pénètrent sous la peau et provoquent localement d'intenses démangeaisons. Ces espèces ne sont pas si fréquentes dans nos contrées, et les boutons qu'elles créent disparaissent généralement toutes seules. Mais, du fait des démangeaisons, les lésions peuvent se surinfecter. Éviter le contact direct des parties intimes avec le sable permet, par ailleurs, de prévenir les mycoses vaginales et les érythèmes fessiers.
Attention aux blessures et piqûres
Dans les départements et collectivités d'outremer, les mêmes règles de surveillance de la qualité des eaux de baignade s'appliquent qu'en métropole. Hormis en Guyane et à Mayotte, où les normes peinent à être atteintes, il n'y a donc pas plus de risque de piquer une tête à La Réunion ou en Martinique qu'en Corse ou en Occitanie : 94 % des sites de baignade y sont classés d'excellente qualité. « Le principal risque pouvant conduire aux urgences chez nous est lié aux surinfections après une blessure ou après une piqûre de poisson pierre par exemple, confirme le Dr. Rodolphe Manaquin, chef de pôle infectiologie-immunologie du CHU de La Réunion. Je me souviens aussi d'un patient qui, bien qu'ayant cicatrisé après s'être blessé, avait encore mal au pied plusieurs semaines après. Il avait conservé un minuscule bout de corail au fond de sa plaie. » Conclusion : le mieux, pour ne pas avoir de mauvaise surprise, c'est de faire attention à l'endroit où l'on pose les pieds ou de porter des chaussures de baignade.
Coquillages et crustacés
Le Pr. André Cabié, chef du service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de la Martinique, alerte quant à lui sur un risque qui, bien qu'il ne soit pas directement lié à la baignade, concerne la plage et ses restaurants : les intoxications alimentaires. Certaines d'entre elles n'ont rien à voir avec l'hygiène des établissements, mais avec des épidémies parmi les poissons ou crustacés. Dans les tropiques, « de plus en plus de poissons carnivores sont touchés par une toxine, la ciguatoxine, responsable de la ciguatera, sans que cela se voit, alerte-t-il. Contrairement aux bactéries, cette toxine transmise par une algue ne disparaît pas à la cuisson ou la congélation. On peut donc l'attraper dans tous les restaurants qui servent les espèces concernées malgré les alertes sanitaires, y compris en ville. » Cela se manifeste par de fortes démangeaisons, des signes digestifs, cardiologiques, voire par des atteintes nerveuses, hallucinations et/ou des paralysies musculaires. Certains patients doivent être hospitalisés en urgence. D'autres non, mais ils peuvent souffrir de fatigues chroniques plusieurs mois après leur retour. On peut aussi citer le Vibrio vulnificus, un cousin du choléra qui peut infecter les huîtres, palourdes, crabes, notamment dans le golfe du Mexique.
Des pathologies typiquement tropicales, comme l'anguillulose, causées par les larves d'un ver qui pénètrent via la peau de la plante des pieds pour finir dans les intestins, peuvent être diagnostiquées dans les Antilles ou à La Réunion. Mais ces cas sont plus souvent importés de régions moins regardantes sur les normes sanitaires des eaux de baignade et/ou qui ne limitent pas les populations de chiens errants.
Tongs et transats dans les tropiques
De nombreux séjours dans les pays chauds se passent bien. Mais il n'est pas rare qu'un touriste développe une tungose (ou sarcopsyllose) en marchant pied-nus sur le sable ou en s'y allongeant directement. Cette maladie est causée par la femelle d'une puce de sable tropicale, qui creuse une cavité sous la peau, s'y installe et pond des oeufs. La lésion enkystée, qui mesure plusieurs millimètres de diamètre, tend alors à s'infecter. Il faut cureter l'abcès pour éviter que cela ne s'aggrave. De même, il faut se méfier du « spot de surf secret » qui ne serait pas fréquenté par des habitants. En Polynésie française, par exemple, pays d'outre-mer qui n'est pas soumis aux mêmes règles de contrôle de la qualité des eaux, « tous les habitants savent qu'il faut éviter de se baigner sur la plage à l'embouchure de la Papenoo, quand il a plu à l'intérieur des terres, indique le Dr. Erwan Oehler, infectiologue au CH de Papeete. À cause de la présence en amont d'habitats insalubres, de cochons domestiques ou sauvages et de cultures agricoles attirant les rats, quand la pluie ruisselle sur ces terres, elle peut véhiculer la leptospirose jusqu'à la mer. Nous y pensons chaque fois que nous voyons arriver des surfeurs avec des symptômes grippaux et gastro-intestinaux. Non traités, ils peuvent développer des infections graves avec atteintes rénales ou hépatiques, voire nécessiter des soins en réanimation. » Ce dernier risque concerne particulièrement ceux qui déclarent la maladie dans les jours suivant leur retour de vacances, car les médecins de métropole sont moins sensibilisés à la question. Autre maladie bien connue des surfeurs à Tahiti : la dermatite des baigneurs en mer. Liée à des larves de méduses ou d'anémones, elle se manifeste par des démangeaisons ou des sensations de brûlure puis par une réaction inflammatoire, avec là encore un risque de surinfection.
En conclusion, mieux vaut se renseigner sur les consignes de baignades avant de fréquenter une plage, limiter au maximum le contact direct de la peau avec le sable et se laver les mains régulièrement pour être sûr passer de bonnes vacances. En cas de blessure, on désinfecte. Si une piqûre démange, on ne gratte pas. Et si on développe une maladie de peau ou de ventre dans les deux semaines qui suivent les vacances, on pense à dire au médecin où on était. Il faut néanmoins relativiser : le risque infectieux à la plage est bien moindre que celui lié aux UV ou à la noyade. Tous les médecins interrogés le confirment : pour eux, ce n'est « absolument pas une source de stress ».
88,9 % des eaux de baignade côtières de l'UE sont classées comme excellentes.
(source : www.eea.europa.eu/publications/european-bathing-water-quality-in-2022)
Ce reportage vous a été proposé par la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF).
Retrouvez plus d'articles sur le site /fr/, onglet « Pour le grand public ».
Un grand merci aux docteurs Rodolphe MANAQUIN, André CABIÉ et Erwan OEHLER pour leurs témoignages.
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Enfin l'été ! À vous les vacances au soleil, les baignades en mer et les châteaux de sable ! Si les infectiologues ne s'en inquiètent pas outre mesure, ils ont quelques conseils à donner pour éviter que des pathogènes viennent gâcher cette douce parenthèse.
Bien que des millions de gens passent leur été en bord de mer, rares sont ceux qui finissent aux urgences à cause d'une infection. Cet article n'a donc pas vocation à effrayer, mais à attirer votre attention sur quelques mesures de précaution, simples à appliquer, surtout si vous êtes en faiblesse immunitaire ou accompagné de jeunes enfants.
Respecter les interdictions de baignades
La fermeture temporaire, ces dernières semaines, de quelques plages bretonnes, méditerranéennes ou basques le rappelle : près des côtes, il arrive que la mer soit contaminée par des bactéries d'origine fécale (Escherichia coli, entérocoques, etc.), surtout après de fortes intempéries. Néanmoins, leurs concentrations restent inférieures aux seuils à risque sur 97,6 % des plages de l'Union européenne (96,9 % en France). Il y a donc peu de risque d'attraper une infection gastro-intestinale en nageant, à moins de braver un arrêté local d'interdiction de baignade. Une conjonctivite ou une otite est toujours possible, mais il n'y a généralement pas de quoi s'inquiéter. Méfiez-vous en revanche des petites blessures, après une glissade sur un rocher par exemple. Dès qu'on se coupe, il faut désinfecter. Un rinçage à l'eau de mer ne suffit pas. Des bactéries pathogènes peuvent aussi profiter d'une irritation de la peau, comme les dermatoses causées par les combinaisons de surf ou de plongée, pour surinfecter les zones de grattage.
La plage n'est pas exempte de microbes non plus. Les enfants qui creusent le sable peuvent développer un impétigo, une pathologie bactérienne bénigne mais douloureuse et contagieuse, qui se manifeste par l'apparition de vésicules ou de croûtes jaunâtres. Les enfants sont aussi plus à risque d'ingérer un parasite intestinal ; des vers véhiculés par les excréments d'animaux (de chiens notamment) peuvent en effet se trouver dans le sable, donc sous les ongles. Citons par exemple les ascaris, responsables d'infections viscérales ou oculaires, le plus souvent bénignes, parfois sévères. Certains vers peuvent par ailleurs pénétrer sous la peau et provoquer des manifestations cutanées (toxocarose), avec parfois des atteintes des nerfs ou des yeux. C'est pourquoi, de la même façon que, le reste de l'année, on se lave les mains en rentrant du parc, il faut le faire après la plage. Le port d'un maillot de bain et l'utilisation d'une serviette pour s'allonger sont également conseillés pour éviter que des larves – celles de l'ascaris ou encore de l'ankylostome – ne pénètrent sous la peau et provoquent localement d'intenses démangeaisons. Ces espèces ne sont pas si fréquentes dans nos contrées, et les boutons qu'elles créent disparaissent généralement toutes seules. Mais, du fait des démangeaisons, les lésions peuvent se surinfecter. Éviter le contact direct des parties intimes avec le sable permet, par ailleurs, de prévenir les mycoses vaginales et les érythèmes fessiers.
Attention aux blessures et piqûres
Dans les départements et collectivités d'outremer, les mêmes règles de surveillance de la qualité des eaux de baignade s'appliquent qu'en métropole. Hormis en Guyane et à Mayotte, où les normes peinent à être atteintes, il n'y a donc pas plus de risque de piquer une tête à La Réunion ou en Martinique qu'en Corse ou en Occitanie : 94 % des sites de baignade y sont classés d'excellente qualité. « Le principal risque pouvant conduire aux urgences chez nous est lié aux surinfections après une blessure ou après une piqûre de poisson pierre par exemple, confirme le Dr. Rodolphe Manaquin, chef de pôle infectiologie-immunologie du CHU de La Réunion. Je me souviens aussi d'un patient qui, bien qu'ayant cicatrisé après s'être blessé, avait encore mal au pied plusieurs semaines après. Il avait conservé un minuscule bout de corail au fond de sa plaie. » Conclusion : le mieux, pour ne pas avoir de mauvaise surprise, c'est de faire attention à l'endroit où l'on pose les pieds ou de porter des chaussures de baignade.
Coquillages et crustacés
Le Pr. André Cabié, chef du service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de la Martinique, alerte quant à lui sur un risque qui, bien qu'il ne soit pas directement lié à la baignade, concerne la plage et ses restaurants : les intoxications alimentaires. Certaines d'entre elles n'ont rien à voir avec l'hygiène des établissements, mais avec des épidémies parmi les poissons ou crustacés. Dans les tropiques, « de plus en plus de poissons carnivores sont touchés par une toxine, la ciguatoxine, responsable de la ciguatera, sans que cela se voit, alerte-t-il. Contrairement aux bactéries, cette toxine transmise par une algue ne disparaît pas à la cuisson ou la congélation. On peut donc l'attraper dans tous les restaurants qui servent les espèces concernées malgré les alertes sanitaires, y compris en ville. » Cela se manifeste par de fortes démangeaisons, des signes digestifs, cardiologiques, voire par des atteintes nerveuses, hallucinations et/ou des paralysies musculaires. Certains patients doivent être hospitalisés en urgence. D'autres non, mais ils peuvent souffrir de fatigues chroniques plusieurs mois après leur retour. On peut aussi citer le Vibrio vulnificus, un cousin du choléra qui peut infecter les huîtres, palourdes, crabes, notamment dans le golfe du Mexique.
Des pathologies typiquement tropicales, comme l'anguillulose, causées par les larves d'un ver qui pénètrent via la peau de la plante des pieds pour finir dans les intestins, peuvent être diagnostiquées dans les Antilles ou à La Réunion. Mais ces cas sont plus souvent importés de régions moins regardantes sur les normes sanitaires des eaux de baignade et/ou qui ne limitent pas les populations de chiens errants.
Tongs et transats dans les tropiques
De nombreux séjours dans les pays chauds se passent bien. Mais il n'est pas rare qu'un touriste développe une tungose (ou sarcopsyllose) en marchant pied-nus sur le sable ou en s'y allongeant directement. Cette maladie est causée par la femelle d'une puce de sable tropicale, qui creuse une cavité sous la peau, s'y installe et pond des oeufs. La lésion enkystée, qui mesure plusieurs millimètres de diamètre, tend alors à s'infecter. Il faut cureter l'abcès pour éviter que cela ne s'aggrave. De même, il faut se méfier du « spot de surf secret » qui ne serait pas fréquenté par des habitants. En Polynésie française, par exemple, pays d'outre-mer qui n'est pas soumis aux mêmes règles de contrôle de la qualité des eaux, « tous les habitants savent qu'il faut éviter de se baigner sur la plage à l'embouchure de la Papenoo, quand il a plu à l'intérieur des terres, indique le Dr. Erwan Oehler, infectiologue au CH de Papeete. À cause de la présence en amont d'habitats insalubres, de cochons domestiques ou sauvages et de cultures agricoles attirant les rats, quand la pluie ruisselle sur ces terres, elle peut véhiculer la leptospirose jusqu'à la mer. Nous y pensons chaque fois que nous voyons arriver des surfeurs avec des symptômes grippaux et gastro-intestinaux. Non traités, ils peuvent développer des infections graves avec atteintes rénales ou hépatiques, voire nécessiter des soins en réanimation. » Ce dernier risque concerne particulièrement ceux qui déclarent la maladie dans les jours suivant leur retour de vacances, car les médecins de métropole sont moins sensibilisés à la question. Autre maladie bien connue des surfeurs à Tahiti : la dermatite des baigneurs en mer. Liée à des larves de méduses ou d'anémones, elle se manifeste par des démangeaisons ou des sensations de brûlure puis par une réaction inflammatoire, avec là encore un risque de surinfection.
En conclusion, mieux vaut se renseigner sur les consignes de baignades avant de fréquenter une plage, limiter au maximum le contact direct de la peau avec le sable et se laver les mains régulièrement pour être sûr passer de bonnes vacances. En cas de blessure, on désinfecte. Si une piqûre démange, on ne gratte pas. Et si on développe une maladie de peau ou de ventre dans les deux semaines qui suivent les vacances, on pense à dire au médecin où on était. Il faut néanmoins relativiser : le risque infectieux à la plage est bien moindre que celui lié aux UV ou à la noyade. Tous les médecins interrogés le confirment : pour eux, ce n'est « absolument pas une source de stress ».
88,9 % des eaux de baignade côtières de l'UE sont classées comme excellentes.
(source : www.eea.europa.eu/publications/european-bathing-water-quality-in-2022)
Ce reportage vous a été proposé par la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF).
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Un grand merci aux docteurs Rodolphe MANAQUIN, André CABIÉ et Erwan OEHLER pour leurs témoignages.