Gazette de l'infectiologie: Maladies infectieuses et femmes enceintes
Lundi 09 Octobre 2023
Comment prévenir les maladies infectieuses pendant la grossesse ?
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Si la grossesse se déroule le plus souvent sans problème, certaines infections, rares, peuvent engendrer une fausse couche, un accouchement prématuré ou des retards de développement. Avec l'aide de deux expertes, nous faisons le point sur les mesures à mettre en oeuvre pour les éviter.
Un check-up avant la grossesse
La consultation préconceptionnelle est l'occasion de réaliser un bilan de santé, mais aussi de vérifier que tous les vaccins sont à jour, notamment celui contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR). Une infection à un de ces virus peut en effet entraîner des formes graves chez la femme enceinte, voire provoquer un accouchement prématuré. De même, un vaccin contre la varicelle (VZV) pourra être prescrit aux patientes n'ayant encore jamais contracté la maladie. « Les vaccins ROR et VZV étant composé de virus vivants inactivés, ils ne peuvent pas être administrés pendant la grossesse », prévient le Dr. Olivia Anselem, gynécologue-obstétricienne à la maternité Port-Royal de l'hôpital Cochin à Paris.
À l'occasion de cette même consultation, le professionnel de santé peut également prescrire un dépistage de l'hépatite C, de la syphilis et du VIH. Près de 25 000 personnes en France, dont plus de la moitié hétérosexuelles, ignorent qu'elles sont porteuses du VIH. Si les traitements actuels, quand ils sont pris correctement, préviennent de façon très efficace la transmission de la mère à l'enfant, encore faut-il connaître son statut sérologique.
Le médecin prescrit par ailleurs systématiquement la recherche d'anticorps témoignant d'une immunité acquise contre la toxoplasmose, car les femmes qui ont déjà été contaminées par le passé sont protégées. En l'absence d'immunité préalable, une prise de sang mensuelle de contrôle et des mesures de prévention seront préconisées. Il est notamment recommandé d'éviter les contacts avec les chats et leurs déjections, dans lesquelles on trouve le parasite responsable de la maladie (Toxoplasma gondii), mais aussi de laver soigneusement les fruits, légumes et herbes aromatiques, et de bien cuire la viande. Car en cas d'infection à la toxoplasmose durant la grossesse, il existe un risque tératogène, c'est-à-dire que cela peut entraîner des malformations chez le foetus (neurologiques, cardiaques, rétiniennes…). Ce risque concerne 3 grossesses sur 10 000.
Précautions alimentaires et hygiéniques
D'autres règles alimentaires sont préconisées, en particulier vis-à-vis de la listériose. On trouve en effet la bactérie responsable de cette maladie dans les charcuteries, les produits à base de lait cru non pasteurisé et les préparation traiteur non recuites, qui sont donc à éviter. « Les cas de listériose pendant la grossesse sont rares : une trentaine de cas par an en France. Mais ils peuvent conduire à une perte foetale, une grande prématurité ou une infection néonatale », indique le Pr. Caroline Charlier, infectiologue spécialisée dans la grossesse exerçant à l'hôpital Cochin-Port Royal, à Paris.
Parmi les autres précautions à prendre : « Éviter – dans la mesure du possible – tout contact direct avec les liquides émanant d'un enfant en bas âge (larmes, urines, salives). En effet, celui-ci peut être porteur du cytomégalovirus. Or, contracté pendant la grossesse, ce virus peut être cause de surdité chez l'enfant à naître », prévient le Pr. Charlier.
Il convient également d'éviter d'approcher les rongeurs, car si ces nouveaux animaux de compagnie on le vent en poupe, ils sont potentiellement porteurs du virus de la chorioméningite lymphocytaire, qui peut causer des malformations chez le foetus.
Enfin, de manière générale, les règles d'hygiène de base sont à respecter scrupuleusement durant la grossesse : port de masque en présence de personnes qui toussent ou se mouchent, et lavage de mains quotidiens. Surtout, « la moindre fièvre survenant pendant la grossesse doit inciter à consulter un médecin », conseillent en choeur nos deux expertes. Ce n'est peut-être rien, mais mieux vaut en être assurée.
Les vaccinations de milieu et fin de grossesse
La vaccination durant la grossesse est sûre et efficace. Ainsi, les vaccins contre la grippe et contre la coqueluche sont préconisés entre le 5e et le 8e mois, et ce à chaque grossesse. « En plus de protéger la femme enceinte de formes sévères, pouvant notamment conduire à un séjour en réanimation, ces vaccins sont bénéfiques au bébé, explique le Dr. Olivia Anselem. Ils induisent une réponse immunitaire et les anticorps maternels vont être transmis au bébé, ce qui le protègera durant ses premiers mois de vie, jusqu'à ce qu'il puisse à son tour être vacciné. »
Un autre vaccin sera probablement bientôt recommandé pour renforcer cette immunisation maternelle du nourrisson : celui contre la bronchiolite, une infection qui a conduit 73 262 enfants de moins de deux ans à passer aux urgences en 2022, dont un tiers ont dû être hospitalisés.
Certaines patientes peuvent s'inquiéter à l'idée de recevoir autant de vaccins en même temps. « Qu'elles se rassurent : ces vaccinations ne sont pas dangereuses, ni pour la mère ni pour le foetus. Au contraire, déjà préconisées dans d'autres pays depuis plus de dix ans, elles ont montré leur efficacité. La vaccination des femmes enceintes contre la coqueluche a notamment réduit de 95 % les décès liés à cette maladie chez les moins de trois mois, indique le Dr. Anselem. Les réactions fébriles qui peuvent survenir après la piqûre sont modérées et sans danger, contrairement à ce qui pourrait arriver en cas de réelle infection. »
Voyage et grossesse
Si vous souhaitez voyager enceinte, sachez-le : le vaccin contre la fièvre jaune est, comme le ROR et le VZV, un vaccin vivant atténué. Il ne peut donc pas être administré pendant la grossesse. « Il vaut mieux reporter ses projets de voyages dans des pays où cette maladie mais aussi le paludisme, la dengue et/ou le chikungunya, circulent, conseille le Dr. Anselem. Pour celles qui ont une réelle nécessité de se rendre dans de telles zones, le Centre de référence sur les agents tératogènes (ou CRAT) recense les répulsifs contre les moustiques qu'il est possible d'utiliser pendant la grossesse. Mais cela reste des produits chimiques. »
Accouchement : la fin des restrictions
Les interdits alimentaires liées à la listériose et à la toxoplasmose ne s'appliquent plus une fois l'enfant né, de même que les restrictions de voyage. Les jeunes mères, même allaitantes, peuvent par ailleurs de nouveau être vaccinées contre la rougeole, les oreillons, la rubéole et la varicelle.
Ce reportage vous a été proposé par la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF).
Retrouvez plus d'articles sur le site infectiologie.com, onglet « Pour le grand public ».
Un grand merci au docteur Olivia ANSELEM et au professeur Caroline CHARLIER pour leurs témoignages.
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Si la grossesse se déroule le plus souvent sans problème, certaines infections, rares, peuvent engendrer une fausse couche, un accouchement prématuré ou des retards de développement. Avec l'aide de deux expertes, nous faisons le point sur les mesures à mettre en oeuvre pour les éviter.
Un check-up avant la grossesse
La consultation préconceptionnelle est l'occasion de réaliser un bilan de santé, mais aussi de vérifier que tous les vaccins sont à jour, notamment celui contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR). Une infection à un de ces virus peut en effet entraîner des formes graves chez la femme enceinte, voire provoquer un accouchement prématuré. De même, un vaccin contre la varicelle (VZV) pourra être prescrit aux patientes n'ayant encore jamais contracté la maladie. « Les vaccins ROR et VZV étant composé de virus vivants inactivés, ils ne peuvent pas être administrés pendant la grossesse », prévient le Dr. Olivia Anselem, gynécologue-obstétricienne à la maternité Port-Royal de l'hôpital Cochin à Paris.
À l'occasion de cette même consultation, le professionnel de santé peut également prescrire un dépistage de l'hépatite C, de la syphilis et du VIH. Près de 25 000 personnes en France, dont plus de la moitié hétérosexuelles, ignorent qu'elles sont porteuses du VIH. Si les traitements actuels, quand ils sont pris correctement, préviennent de façon très efficace la transmission de la mère à l'enfant, encore faut-il connaître son statut sérologique.
Le médecin prescrit par ailleurs systématiquement la recherche d'anticorps témoignant d'une immunité acquise contre la toxoplasmose, car les femmes qui ont déjà été contaminées par le passé sont protégées. En l'absence d'immunité préalable, une prise de sang mensuelle de contrôle et des mesures de prévention seront préconisées. Il est notamment recommandé d'éviter les contacts avec les chats et leurs déjections, dans lesquelles on trouve le parasite responsable de la maladie (Toxoplasma gondii), mais aussi de laver soigneusement les fruits, légumes et herbes aromatiques, et de bien cuire la viande. Car en cas d'infection à la toxoplasmose durant la grossesse, il existe un risque tératogène, c'est-à-dire que cela peut entraîner des malformations chez le foetus (neurologiques, cardiaques, rétiniennes…). Ce risque concerne 3 grossesses sur 10 000.
Précautions alimentaires et hygiéniques
D'autres règles alimentaires sont préconisées, en particulier vis-à-vis de la listériose. On trouve en effet la bactérie responsable de cette maladie dans les charcuteries, les produits à base de lait cru non pasteurisé et les préparation traiteur non recuites, qui sont donc à éviter. « Les cas de listériose pendant la grossesse sont rares : une trentaine de cas par an en France. Mais ils peuvent conduire à une perte foetale, une grande prématurité ou une infection néonatale », indique le Pr. Caroline Charlier, infectiologue spécialisée dans la grossesse exerçant à l'hôpital Cochin-Port Royal, à Paris.
Parmi les autres précautions à prendre : « Éviter – dans la mesure du possible – tout contact direct avec les liquides émanant d'un enfant en bas âge (larmes, urines, salives). En effet, celui-ci peut être porteur du cytomégalovirus. Or, contracté pendant la grossesse, ce virus peut être cause de surdité chez l'enfant à naître », prévient le Pr. Charlier.
Il convient également d'éviter d'approcher les rongeurs, car si ces nouveaux animaux de compagnie on le vent en poupe, ils sont potentiellement porteurs du virus de la chorioméningite lymphocytaire, qui peut causer des malformations chez le foetus.
Enfin, de manière générale, les règles d'hygiène de base sont à respecter scrupuleusement durant la grossesse : port de masque en présence de personnes qui toussent ou se mouchent, et lavage de mains quotidiens. Surtout, « la moindre fièvre survenant pendant la grossesse doit inciter à consulter un médecin », conseillent en choeur nos deux expertes. Ce n'est peut-être rien, mais mieux vaut en être assurée.
Les vaccinations de milieu et fin de grossesse
La vaccination durant la grossesse est sûre et efficace. Ainsi, les vaccins contre la grippe et contre la coqueluche sont préconisés entre le 5e et le 8e mois, et ce à chaque grossesse. « En plus de protéger la femme enceinte de formes sévères, pouvant notamment conduire à un séjour en réanimation, ces vaccins sont bénéfiques au bébé, explique le Dr. Olivia Anselem. Ils induisent une réponse immunitaire et les anticorps maternels vont être transmis au bébé, ce qui le protègera durant ses premiers mois de vie, jusqu'à ce qu'il puisse à son tour être vacciné. »
Un autre vaccin sera probablement bientôt recommandé pour renforcer cette immunisation maternelle du nourrisson : celui contre la bronchiolite, une infection qui a conduit 73 262 enfants de moins de deux ans à passer aux urgences en 2022, dont un tiers ont dû être hospitalisés.
Certaines patientes peuvent s'inquiéter à l'idée de recevoir autant de vaccins en même temps. « Qu'elles se rassurent : ces vaccinations ne sont pas dangereuses, ni pour la mère ni pour le foetus. Au contraire, déjà préconisées dans d'autres pays depuis plus de dix ans, elles ont montré leur efficacité. La vaccination des femmes enceintes contre la coqueluche a notamment réduit de 95 % les décès liés à cette maladie chez les moins de trois mois, indique le Dr. Anselem. Les réactions fébriles qui peuvent survenir après la piqûre sont modérées et sans danger, contrairement à ce qui pourrait arriver en cas de réelle infection. »
Voyage et grossesse
Si vous souhaitez voyager enceinte, sachez-le : le vaccin contre la fièvre jaune est, comme le ROR et le VZV, un vaccin vivant atténué. Il ne peut donc pas être administré pendant la grossesse. « Il vaut mieux reporter ses projets de voyages dans des pays où cette maladie mais aussi le paludisme, la dengue et/ou le chikungunya, circulent, conseille le Dr. Anselem. Pour celles qui ont une réelle nécessité de se rendre dans de telles zones, le Centre de référence sur les agents tératogènes (ou CRAT) recense les répulsifs contre les moustiques qu'il est possible d'utiliser pendant la grossesse. Mais cela reste des produits chimiques. »
Accouchement : la fin des restrictions
Les interdits alimentaires liées à la listériose et à la toxoplasmose ne s'appliquent plus une fois l'enfant né, de même que les restrictions de voyage. Les jeunes mères, même allaitantes, peuvent par ailleurs de nouveau être vaccinées contre la rougeole, les oreillons, la rubéole et la varicelle.
Ce reportage vous a été proposé par la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF).
Retrouvez plus d'articles sur le site infectiologie.com, onglet « Pour le grand public ».
Un grand merci au docteur Olivia ANSELEM et au professeur Caroline CHARLIER pour leurs témoignages.