Gazette de l'infectiologie: Journée mondiale de lutte contre la tuberculose

Jeudi 14 Mars 2024
24 mars 2024 : Journée mondiale de lutte contre la tuberculose

Voir le document au format pdf

Retour au sommaire de la Gazette de l'Infectiologie

Contrairement à l'image très 19e siècle que nous en avons, la tuberculose reste un enjeu de santé publique bien actuel. Et pas uniquement dans les pays à faible niveau de ressources. Si on ne compte que 4 500 cas par an en France, les experts s'inquiètent d'une résistance croissante aux antibiotiques mais aussi de l'existence de tuberculoses latentes susceptibles de se réactiver.

La tuberculose est une infection qui se transmet par voie aérienne, en présence d'un malade qui tousse ou éternue. Elle affecte chaque année plus de 10 millions de personnes dans le monde, et en tue près de 1,5 million. Mais ce n'est là que la partie émergée de l'iceberg : l'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 1,7 milliard de personnes, soit un quart de la population du globe, serait en réalité porteuse de la bactérie en cause, le Mycobacterium tuberculosis, aussi appelé bacille de Koch. Seule une petite portion des gens contaminés développe des symptômes, généralement au niveau des poumons, parfois ailleurs (ganglions, cerveau, peau, foie…). Les autres conservent silencieusement la bactérie vivante dans leur organisme, sans que cela ne les rende malades. On parle alors de tuberculose latente ou d'infection tuberculeuse latente.

La tuberculose latente : un réservoir de bacilles en embuscade
Il est rare qu'un bacille en dormance se réveille plusieurs années après : cela n'arrive que dans 5 % des cas environ chez l'adulte, et plus souvent chez l'enfant. « Mais prévenir cette éventualité est essentiel pour éviter qu'un porteur sain devienne symptomatique, donc malade et potentiellement contagieux », souligne le Pr. Nicolas Vignier, infectiologue au centre hospitalier universitaire Avicenne, à Bobigny (93). Cela peut survenir spontanément dans les années qui suivent la contamination, ou plus tardivement à l'occasion d'un stress de l'organisme ou d'un affaiblissement immunitaire : infection par le VIH/sida, affaiblissement du système immunitaire lié à l'âge, prise d'immunosuppresseurs, diabète, malnutrition, consommation de tabac…
En France, deux groupes de population sont particulièrement concernés : les personnes migrantes récemment arrivées de pays fortement touchés par la tuberculose, mais aussi les personnes âgées, qui ont pu contracter la bactérie quand elles étaient jeunes, à une époque où celle-ci circulait davantage en France.

Comment dépister un bacille silencieux ?
Le dépistage de la tuberculose latente, via un test cutané ou sanguin, se concentre sur ces deux groupes. Mais, « comme les antibiotiques prescrits après un résultat positif sont lourds et potentiellement toxiques pour le foie, explique le Pr. Vignier, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) préconise de ne le proposer systématiquement qu'aux cas pour lesquels il y a plus de bénéfices que de risques : les enfants migrants de moins de 18 ans arrivés il y a moins de cinq ans d'un pays endémique de la tuberculose, et les personnes migrantes adultes en contact avec des personnes fragiles ou qui doivent commencer un traitement immunosuppresseur. Pour les autres, nous comptons sur un repérage précoce des signes d'une réactivation, donc sur la sensibilisation des médecins aux signes de la tuberculose maladie. »


Personne interviewée :
Pr. Nicolas Vignier,
Service des Maladies infectieuses et tropicales des Hôpitaux Universitaires Paris Seine-Saint-Denis, AP-HP, Hôpital Avicenne (Bobigny) et Jean Verdier (Bondy)
Professeur à l'Université Sorbonne Paris Nord,
IAME Inserm UMR 1137, Institut convergences et migration
Co-coordonnateur du groupe Migrants et populations vulnérables de la SPILF

Retour à la liste